Biographie de Gérard Boivineau, militant d’Interco CFDT
Gérard BOIVINEAU a été secrétaire général du syndicat CFDT des Affaires étrangères de 1981 à 1984
BOIVINEAU, Gérard, André, Victor, Benjamin.
Né le 15 mars 1946 à Redon (Ille-et-Vilaine) ; fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères ; militant CFDT, secrétaire général du syndicat CFDT des Affaires étrangères (1981 – 1984).
Sa famille provenait de Vendée et de Bretagne. Son grand-père paternel était un Vendéen engagé dans l’infanterie de marine à dix-neuf ans ; à Brest (Finistère), il rencontra sa femme, issue d’un milieu modeste d’artisans bretonnants. Son grand-père maternel était artisan peintre à Redon. Mais si les origines familiales étaient provinciales, ses parents, nés respectivement à Brest et à Redon, se sont installés, peu après la naissance de Gérard, à Paris. René Boivineau, son père, né en 1921, était technicien supérieur de la SNCF, affecté à la gare Saint-Lazare. Sa mère, Gaëtane Windels, née en 1924, a été couturière à domicile, puis secrétaire-comptable dans un magasin de chaussures à Paris. Gérard Boivineau eut une sœur en 1947. La famille occupa en banlieue parisienne un appartement de fonctions.
Les parents étaient tous deux catholiques pratiquants ; Gérard Boivineau lui-même l’était resté. Le climat familial était peu politisé. Une première expérience du monde du travail, comme peintre dans l’entreprise de son grand-père, vers l’âge de douze ans, lui laissa le souvenir durable d’un « compagnonnage marqué par le respect, la confiance et l’estime ». Les parents votaient MRP. Plus tard, en 1968, il apprit que son père était adhérent de la CFDT. Pour autant, il considérait que ce choix syndical n’avait pas influé sur son propre engagement.
Jusqu’à la classe de seconde, Gérard Boivineau était scolarisé dans des établissements catholiques, à Houilles (Seine-et-Oise), puis au collège Fénelon à Paris. Suite au divorce de ses parents, il poursuivit ses études dans le public au lycée Condorcet, dont il sortit avec un bac littéraire. Inscrit en Droit à Assas en mai 68, il découvrit par ses condisciples étudiantes les revendications féministes. Ayant obtenu sa licence en droit public, il s’inscrivit à la rentrée 1968 à l’INALCO (Institut National des Langues et Civilisations Orientales), où il s’investit dans la mise en place des organismes représentatifs des étudiants. Par ailleurs, il s’engagea dans le mouvement scout, puis comme moniteur bénévole dans une colonie de vacances catholique accueillant notamment des enfants de « l’assistance publique ».
À 21 ans, alors âge de la majorité, Gérard Boivineau, proche des idées de Michel Rocard, eut un engagement éphémère au Parti socialiste unifié (PSU). Il admirait également Pierre Mendès-France et Eugène Descamps.
Ayant effectué son service militaire, comme simple soldat puis élève sous-officier, Gérard Boivineau réussit en 1970 le concours de secrétaire-adjoint (devenu secrétaire) des Affaires étrangères. La même année, il épousa Catherine Grèverie, lauréate du même concours, et ils furent affectés au consulat général de France à New-York. Pendant dix années, avec son épouse, il enchaîna les postes à l’étranger : New York (États-Unis, 1970-1973), Bangkok (Thaïlande, 1974-1976), puis Canberra (Australie, 1976-1980).
Dès qu’ils apprirent la création, en 1974, du syndicat CFDT des Affaires étrangères, Gérard et Catherine Boivineau y adhérèrent. À son retour à Paris en 1980, Gérard devint militant actif auprès de Françoise Le Moign et Rémy Lahaye, respectivement présidente et secrétaire général du syndicat.
À l’automne 1981, il succéda comme président à Françoise Le Moign, entrée au cabinet de Claude Cheysson, ministre des Relations extérieures. Il le resta trois ans et marqua un tournant dans l’histoire de la CFDT aux Affaires étrangères.
La CFDT connut alors un essor sans précédent, qui s’expliquait en partie par la reconnaissance du fait syndical à l’étranger, entérinée par une circulaire ministérielle de 1982, qui reprenait une partie des revendications anciennes de la CFDT. Cette période vit se créer de nombreuses sections syndicales dans les postes diplomatiques et consulaires.
Parallèlement, ses résultats électoraux mirent la CFDT en situation de disputer la première place à l’Association professionnelle des Affaires étrangères, une organisation corporatiste qui était, de longue date, l’interlocuteur privilégié de l’administration.
Enfin, la CFDT fit preuve au cours de ces années d’un fort dynamisme en termes de propositions. Elle fonctionna comme un laboratoire d’idées, d’où sortirent nombre de réformes qui se mirent en place au fil des ans, et parfois des décennies.
Au cours de son mandat, Gérard Boivineau veilla toujours à préserver l’indépendance syndicale, en dépit de la proximité idéologique de nombre de militants avec la gauche au pouvoir. En 1982, le Conseil syndical décida que les adhérents entrant dans un cabinet ministériel seraient placés en « congé de syndicat », pour la durée de leurs fonctions au sein de celui-ci.
La crise la plus grave que Gérard Boivineau eut à affronter fut le conflit né de la réforme de la Direction générale des relations culturelles, scientifiques et techniques (DGRCST), la plus nombreuse du ministère en effectif. Le projet, mal conçu et opaque, que Gérard Boivineau qualifia un jour de « happening à l’échelle mondiale », généra une situation chaotique, aggravée par la gouvernance autoritaire du directeur général, Jacques Thibau. À tel point qu’en octobre 1982, une assemblée générale réunissant une large part du personnel et présidée par Gérard Boivineau vota une grève reconductible. Celle-ci fut massive, même l’encadrement supérieur y prit part ; elle dura presque une semaine et fut largement médiatisée. Il est vrai qu’un tel mouvement social était sans précédent au « Quai d’Orsay ». Prenant la mesure de la crise, le ministre prit la main personnellement et Gérard Boivineau conduisit les pourparlers entre l’intersyndicale et Claude Cheysson. Après une première réunion infructueuse, il obtint des assurances sur la base desquelles l’assemblée générale vota la levée de la grève. Claude Cheysson mandata l’inspecteur général Jacques Viot afin de faire un état de lieux et de proposer des solutions. Le départ de Thibau, nommé ambassadeur à Bruxelles en décembre 1982, fit baisser la tension. Néanmoins des problèmes de fond demeurèrent, tandis que la mission de l’Inspection s’enlisa peu à peu.
Une autre crise marquante du mandat de Gérard Boivineau, fut le conflit qui opposa la CFDT à la Fédération de l’Éducation nationale (FEN). Sous couvert de doter les enseignants détachés d’une instance de représentation, le projet de la FEN les intégrait dans le corps électoral des Affaires étrangères, ce qui, par le seul effet de leur nombre, aurait fait d’elle le syndicat hégémonique au ministère. La CFDT, bientôt rejointe par la plupart des syndicats, se battit avec succès, puisque, après des mois de tractations, un compromis fut trouvé, par la création d’un second comité technique paritaire pour les enseignants.
Au cours des trois ans passés à la tête du syndicat, Gérard Boivineau, par son aptitude au dialogue et à la recherche du compromis, fit reconnaître la CFDT comme le principal interlocuteur de l’administration tout en s’appuyant sur un réseau militant aguerri, parmi lesquels Rémy Lahaye, dont il souligne l’expérience et la capacité de réaction dans des situations de crise ou d’urgence.
Lorsqu’en 1984, Gérard Boivineau fut nommé conseiller technique au cabinet du secrétaire d’État aux Affaires étrangères, il convainquit Dominique Fourrey, secrétaire-dactylo à la DGRCST, de se présenter pour le remplacer. Avec le choix d’une militante jeune, de catégorie C, la CFDT des Affaires étrangères se débarrassa définitivement de l’image de « syndicat des énarques » qui lui était trop souvent accolée à ses débuts.
Il continua à représenter la CFDT au Comité technique paritaire ministériel et à la commission administrative paritaire des secrétaires-adjoints puis des secrétaires et conseillers des Affaires étrangères.
En 1986, Gérard Boivineau choisit de rejoindre l’ambassade de France à Beyrouth, alors en pleine guerre civile. Il fut rapatrié dix-huit mois plus tard et reprit son activité au Conseil syndical.
Il occupa ensuite deux postes à l’administration centrale, dont celui de sous-directeur du Personnel chargé de l’insertion professionnelle et de la communication sociale. À ce titre, Gérard Boivineau se trouva l’interlocuteur des syndicats. Cette période ne connut pas de conflits majeurs. Alors qu’il siégeait dans une commission consultative paritaire, il choisit de s’abstenir dans un vote, ce qui mit l’administration en minorité face aux représentants syndicaux. Il ne fut plus appelé à siéger dans ces commissions. Il s’efforça par ailleurs, sans toujours y parvenir, d’ouvrir aux agents de toutes catégorie l’accès à la Légion d’Honneur et à l’Ordre du Mérite. En désaccord sur bien des points avec sa hiérarchie, il finit par démissionner de ses fonctions de sous-directeur et demanda à repartir à l’étranger.
Il choisit l’ambassade de France à Hanoï à une époque où le Vietnam était loin d’attirer les diplomates. De son propre avis, cette affectation resta sa « plus belle expérience professionnelle ». C’est aussi dans cette ville qu’il rencontra sa deuxième épouse, Nguyên Bich Huê, après son divorce en 1986.
Gérard Boivineau enchaîna ensuite sept autres années à l’étranger, à Lagos (Nigeria) et Stockholm (Suède). En 2001, il devint sous-directeur de la Comptabilité des Affaires étrangères implanté à Nantes, et où travaillaient près de 300 fonctionnaires, dont une majorité d’agents de catégorie C. Gérard Boivineau eut à gérer des situations complexes qui le mirent parfois en conflit avec la CGT. Son expérience syndicale et son aptitude à l’écoute et au compromis lui furent utiles.
Désireux de retrouver le Vietnam, il fut nommé fin 2007 consul général à Hô Chi Minh Ville. Fort de cette nouvelle expérience, il publia en 2021 aux Éditions Les Indes savantes, La force introuvable : Vietnam, 1965-1975, un ouvrage qui retrace l’histoire des relations diplomatiques de la France avec les différentes parties vietnamiennes en conflit.
Le 16 mars 2011, il fut admis à la retraite en tant que conseiller des affaires étrangères hors classe.
En septembre 2012, il fut nommé par le Conseil d’État assesseur à la Cour nationale du droit d’asile, mandat renouvelé en 2015 et 2018.
A sa retraite, il s’installa en Morbihan.
Gérard Boivineau a eu cinq enfants, nés à New-York, Canberra, Paris et Brest.
Œuvre
La force introuvable : Vietnam 1965-1975, Éditions Les Indes savantes, 94 boulevard Auguste Blanqui, 75103 Paris, 2021.
Sources
Archives interfédérales de la CFDT : archives de l’UFFA, résultats des élections aux Commissions administratives paritaires (statistiques produites par la DGAFP, avec détails par ministères) – côtes FV/10/1 : (1972-1999), FV/13/1 : (1983-1999) — archives Interco, suivi du syndicat MAE : côtes FM/54/12 : statuts et règlement intérieur (1989-2016), suivi (2008-2012). FM/37/12 : Contrat de syndicalisation, journal, congrès 2002 (1995-2005), FM/22/10 : suivi (1980-1988), assemblées générales (1980-1991), journal syndical (1980-2000), FM/29/179 : relations avec les syndicats, correspondance générale (1983-1989). Adhérents Interco: bulletins d’information (1982-1987). Service Coopération-développement: organigramme, correspondance (1986). Branche MRE, création: correspondance (1983-1986); droit syndical: notes (s.d.); cotisations: correspondance (1983-1986). Axe État: notes, comptes-rendus de réunions (1985-1986). Titularisations, blocage de l’avancement des non-titulaires : correspondance (1985-1986), FM/39/6 : Branche relations extérieures- Ministère des affaires étrangères (1991-2001). — Dépôts du Syndicat CFDT-MAE (1983 et 1992) aux Archives diplomatiques (3 rue Suzanne Masson, 93126 La Courneuve). — Site internet de la CFDT-MAE, notamment lettre du syndicat CFDT-MAE de janvier 2015, avec tableau de la représentativité par syndicat de 1991 à 2014, consulté le 06/10/ 2022 : http://www.cfdt-mae.fr/wp-content/uploads/2015/01/LDS_247_lections_CTM_CTAC_CAP_CCP.pdf — Site de la Fonction publique: https://www.fonction-publique.gouv.fr/files/files/statistiques/stats-rapides/resultats_electionsFP_20_dec_2018.pdf — https://www.fonction-publique.gouv.fr/resultats-des-elections-professionnelles-pour-comites-techniques-dans-la-fonction-publique-2018 — Annuaire diplomatique et consulaire, éditions 1999 et 2004. — « Histoire de la CFDT au Ministère des affaires étrangères », mémoire de formation syndicale de Brigitte de Oliveira, Nantes, 2009. — Archives privées d’Enric Salvans-Roussel. — Entretien réalisé le 11/02/2021 par Enric Salvans-Roussel.