CAP des psychologues du 20 novembre 2020 – Déclaration liminaire

Déclaration liminaire de la CFDT à la commission administrative paritaire des psychologues du 20 novembre 2020

Depuis mars 2020 nous traversons une crise sanitaire doublée d’une crise économique qui oblige à revisiter les modalités d’être en lien les uns avec les autres bien au-delà du champ professionnel. Un réaménagement des cadres de travail et des positionnements professionnels a dû se penser de manière rapide et non anticipée, venant percuter des dynamiques collectives de travail.

Nous avons été percutés par l’absence de moyens de protection face au Covid pendant le premier confinement et par la désorganisation sur les précautions à prendre en termes de sécurité sanitaire pour le public et les professionnels.

Nous avons été percutés par l’absence de moyens techniques pour permettre le travail à distance. Cette généralisation du télétravail en période de confinement a mis l’accent sur le retard considérable de l’administration, largement sous-équipée sur le plan technologique et numérique, dans l’incapacité de répondre aux besoins des services, et de chaque professionnel, et ce, bien avant la crise.

Les psychologues ont dû inventer des modalités de travail dans une absence totale de support technique pour travailler à distance. Pas d’ordinateur, pas de téléphone professionnel pour permettre le maintien des liens professionnels avec les équipes et les usagers, pas de moyen dédié pour remplir à distance les missions confiées. Ces conditions de travail, qui sont à l’origine du sentiment de ne pas atteindre les attentes professionnelles, voire les exigences hiérarchiques demandées parfois de manière inadaptée, sont génératrices de stress. Et même si depuis le premier confinement, nous notons des améliorations en termes d’équipement, elles restent cependant bien trop insuffisantes et parcellaires selon les territoires, comme en témoignent encore les difficultés constatées depuis le second confinement. La dotation d’outils professionnels pour chaque psychologue, comme pour chaque agent, est indispensable et urgente.

Le bouleversement des modalités de travail, la complexité grandissante des nouvelles organisations de travail, et l’effet de ces mutations, que ce soit en télétravail et/ou en équipes scindées pour alléger le nombre de professionnels en présentiel, a induit un bouleversement dans les dynamiques d’équipes, qui pour une part se désagrègent au profit de pratiques recentrées, voire repliées sur soi, en manque d’articulation avec l’autre, où la pluridisciplinarité est mise à mal.

Nous attirons votre attention et votre vigilance sur le risque d’isolement dans le travail éducatif et plus globalement sur l’individualisation dans le travail, qui vient attaquer ce qui a été conquis patiemment et dans la durée: le travail collectif et la reconnaissance de chacun dans ses spécificités.

Nous sommes particulièrement inquiets sur l’impact de la situation sur la dégradation des climats professionnels et la mise à mal des relations interpersonnelles qui se conflictualisent dans beaucoup de services. La crise sanitaire du Covid-19, qui intervient dans un contexte social et institutionnel déjà largement défavorable, majore les facteurs de stress liés aux difficultés d’organisation et aux tensions dans les relations de travail. Cela vient exacerber des problématiques préexistantes en termes de souffrance professionnelle et des risques psychosociaux qui en découlent, avec des conséquences sur la santé physique, mentale et sociale des agents.

Dans ce contexte de crise sanitaire, les psychologues ont été, et demeurent particulièrement attendus concernant le soutien à apporter aux jeunes, aux familles mais aussi concernant l’orientation des professionnels vers des lieux d’écoute adaptés. Ils ont ainsi été au premier plan dans la prise en compte des expériences subjectives générées par le retrait du scolaire, du travail et du social, du fait de la menace de la maladie. Ils se doivent effectivement de soutenir ceux qui expriment une souffrance exacerbée par ce contexte d’angoisse de contamination, d’isolement social ou d’environnement familial surexposé à la violence.

La particularité de ce qui fait crise c’est de concentrer les vulnérabilités, les évitements, les empêchements qui n’ont pas été traités avant pour faire face aux difficultés, aux alertes qui ont été lancées. Ces éléments potentialisent la crise elle-même du Covid et recentrent sur ce qui est essentiel : la valeur du lien humain et la place de la parole. Soutenir la parole, maintenir des liens humains avec les jeunes, les familles et entre les professionnels qui se doivent d’assurer leurs missions mais dans des conditions inhabituelles est un enjeu fondamental dans cette crise.
L’amélioration de la prise en charge des jeunes et des familles à la PJJ ne peut que passer par l’abaissement des normes de travail. La charge, voire la surcharge, des tâches professionnelles s’accompagne d’une complexité et d’une intensité du travail comportant des risques en termes qualitatif. L’administration est-elle prête à améliorer les conditions de travail de ceux qui s’investissent dans cette mission d’accompagnement des plus fragiles ?

L’évolution prônée parle projet de réforme de la justice pénale des mineurs qui se base sur la simplification de la procédure, l’efficacité de la réponse éducative et la réactivité de la justice, fait fi de la complexité de l’essence même du travail éducatif et clinique mené auprès des jeunes et de leurs parents, en le réduisant à une mise à l’épreuve, signifiant dont la portée symbolique est associée à la dimension probatoire dont le primat sur l’éducatif constitue le risque majeur, à l’instar du bloc peine.

À l’heure actuelle, où on nous confirme que le nouveau code pénal des mineurs va s’appliquer dès le 31 mars 2021, nous dénonçons cette marche à pas forcés alors que l’énergie de chacun est déjà mobilisée pour maintenir un équilibre personnel, social et professionnel dans la crise dont nous sommes encore loin de sortir, dans un déni des répercussions et des limites de cette adaptabilité déjà tellement sollicitée au quotidien.

Sommes nous prêts à analyser cette crise dans sa dimension psychique où les psychologues ont toute leur importance ?

Mais qu’en est-il de la place et de la reconnaissance des psychologues dans cette institution ? La relance du travail sur le statut ministériel s’apparente à « l’Arlésienne ». Or il est urgent que l’administration soutienne l’accès des psychologues aux avancées statutaires et salariales dont ils sont à ce jour tenus en retrait. Il est urgent que soit prise en compte cette nécessité
d’autant plus que leurs primes sont les plus basses de toutes ! À quand l’instauration du RIFSEEP, pour le seul corps qui n’est toujours pas concerné, et de la prime CIA qui en découle ?

Qu’en est-il de la ligne de soutien psychologique proposée aux agents de la PJJ ? Sa sollicitation, ses préconisations ? Qu’en est-il de la prévention des risques psychosociaux ? La convocation des CHSCT s’impose dans ce contexte, et l’articulation avec les médecins de prévention a à être mieux prise en compte, favorisée, soutenue.

Nous attendons que la circulaire du 10 novembre 2020 s’applique, tant du point de vue du respect de la règle du télétravail que de la prise en compte de l’élargissement des critères permettant l’identification des personnes vulnérables, et ce, afin de clarifier les positionnements hiérarchiques régis trop souvent par la place de l’arbitraire.

À cette CAP, l’arbitraire semble encore occuper le terrain. L’arbitraire de l’évaluation hiérarchique, soumise à la subjectivité et à la qualité de la relation interpersonnelle, se manifeste tout au long de la carrière de l’agent, du mémoire de titularisation, au CREP, à l’avancement. L’arbitraire de l’évaluation est manifeste dans l’ensemble des recours étudiés à cette CAP. L’arbitraire de l’évaluation est criante dans l’accès aux hors classe des psychologues. L’avancement en est une illustration récurrente, qui, année après année, témoigne de l’opacité administrative quant aux critères et aux choix de promotion. La non transmission aux organisations syndicales des CREP des agents non proposés, et pourtant proposables, dont l’évaluation est bonne, très bonne, excellente, nuit à un traitement équitable de la gestion de la carrière des professionnels.

Au-delà de la situation exceptionnelle de confinement, nous alertons sur les insuffisances en ressources humaines, en supports technologiques, sur les inégalités de traitement selon les territoires, renforçant la conflictualité dans les relations de travail. Le nombre de postes vacants de psychologue, qui met en exergue l’insuffisance de la politique de recrutement de la PJJ, comme l’illustre l’annulation du concours 2020 des psychologues et le faible nombre de postes ouverts pour le concours 2021, se heurte désormais à la nouvelle gestion de la mobilité, réduisant toujours davantage les possibilités de mutation. L’impossibilité de postuler sur un PSDV constitue un empêchement à la mobilité des titulaires auquel il faut remédier dès le mouvement de 2021. Nous insistons également pour que l’ensemble des postes vacants et/ou occupés par des contractuels soit publié lors de la prochaine campagne de mobilité.

La suppression de la dimension paritaire dans la gestion de la mobilité est une démonstration de l’annulation même de ce qui précisément fait la valeur du service public en termes de critères repérés d’équité de traitement des agents. Nous dénonçons la mobilité, nouvelle version, «au choix du prince» qui entrave le droit fondamental de l’équité de traitement.

Dans ce contexte de crise, aux incidences multiples sur le plan professionnel, le soutien de l’ensemble de la chaîne hiérarchique à l’exercice des missions, au côté d’un véritable espace de dialogue social, est ce que nous attendons à ce jour de cette nouvelle direction.

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