Coupes budgétaires : Intervention d’Ingrid Clément à la conférence de presse intersyndicale du 29 octobre 2024

Le mot d’introduction d’Ingrid Clément est suivi de questions-réponses avec les journalistes présents.

Ingrid Clément : Nous avons des raisons d’être en colère, non seulement sur la méthode – parce que nous connaissons le fonctionnement des collectivités et le travail des agents qui y œuvrent. Malgré tout, le dialogue n’a pas repris depuis ce qui nous avait été annoncé comme une amélioration du dialogue social. Puis, sur le contenu des annonces, ce sont des mesures qui ne s’attaquent jamais aux causes profondes des problèmes, mais plutôt qui stigmatisent non seulement les collectivités, mais aussi les agents qui y travaillent et qui ont une mission importante pour la société. C’est très simpliste comme réponse à des difficultés. Et qui s’interroge sur le travail fourni ou sur les missions réalisées ? On sanctionne et on regarde uniquement par un prisme budgétaire et économique pour prendre des décisions. Ces mesures ne s’attaquent pas aux causes profondes des maladies et des arrêts.

Nous savons aussi que la pyramide des âges dans la fonction publique territoriale est plus élevée que dans les autres versants de la fonction publique. Nous savons également qu’il existe dans la fonction publique territoriale, des métiers à risques, avec une pénibilité réelle et incontestée. Et ça, évidemment, personne ne les prend en compte dans les mesures envisagées.

Cette fonction publique territoriale est toujours mise à contribution et au bout du compte, ce sont les agents que nous représentons qui en souffrent, ainsi que la population, qui ne bénéficiera plus du service rendu attendu.

Est-ce vraiment l’objectif du gouvernement d’améliorer les conditions de vie de la population ? Nous pouvons largement en douter. Le but recherché semble purement budgétaire et économique. J’aimerais également revenir sur la question des arrêts maladie : rien ne prouve qu’en augmentant le nombre de jours de carence ou en diminuant le montant des indemnisations des agents, il en résultera une baisse du nombre d’arrêts maladie. Au contraire, nous savons très bien au regard des études réalisées que cela risque de diminuer le nombre d’arrêts de courte durée, mais d’augmenter le nombre des arrêts longs. C’est pourquoi nous demandons une réelle réouverture des discussions sur ces questions qui sont essentielles pour la fonction territoriale, pour les agents et, en fin de compte, pour le public.

Peut-être que d’ici là, on aura aussi d’autres idées qui viendront…

AEF info : Comment est-ce que vous comptiez agir ? Est-ce que vous avez déjà des pistes ? Par exemple, est-ce que vous avez demandé à être reçu par Guillaume Kasbarian ? Est-ce que vous comptez travailler avec les associations d’élus ou est-ce que vous avez identifié des parlementaires avec lesquels travailler pour infléchir un peu la situation ?

Ingrid Clément : Pour le moment, il n’y a pas de vrai dialogue avec le ministre. Donc il faut que nous ayons ce dialogue avec lui. Il faut que nous ayons un début de discussion. Après, nous avons tous les moyens que vous avez cités pour agir, mais les annonces vont grandissantes. On croit toujours qu’on est arrivé au bout de l’horreur, mais non, ils ont des idées et on voit bien qu’il y a derrière des rapports qui ont été commandés voire comandités pendant l’été. Donc, l’intersyndicale doit se retrouver et faire un point là-dessus. À ce stade, il est difficile de vous dire précisément ce que nous allons faire. Nous devons en discuter pour garantir la cohérence de nos actions, d’autant plus que nous sommes constamment percutés par de nouvelles annonces. Nous allons agir, c’est certain, mais ce sera une action collective.

AEF info : Et en interne, dans vos collectivités, comment ça se passe avec les agents ? J’imagine qu’eux aussi prennent les coups de massue régulièrement. Mais quelles remontées avez-vous ? Allez-vous réussir à les mobiliser ?

Ingrid Clément : Sur une mobilisation, on l’a dit les annonces vont de mal en pire. Et donc ça serait aussi peut être une erreur de n’engager dans une mobilisation que la fonction publique territoriale. Je crois qu’il faut regarder l’ampleur des dégâts qui s’annoncent pour la fonction publique.

La spécificité de la fonction publique territoriale, est de s’occuper des populations les plus fragilisées et les plus à risques. Donc là, la question à laquelle on aimerait avoir une réponse : Qui aura le courage de prendre des décisions pour protéger justement ces missions de la fonction publique territoriale ? Cela voudrait dire que cette personne a une vision d’une société qui protège, d’une société qui éduque, d’une société qui fait grandir plutôt que d’une vision soit électoraliste parce qu’il y a des échéances pour les municipales (2026) puis les présidentielles (2027). Au lieu d’envisager une fonction publique quasiment sans fonctionnaire, ce qui semble, au fond, convenir à certains employeurs. Nous observons une augmentation notable du nombre de contractuels. Ils verront bien, alors, ce que cela entraînera pour leur collectivité et leur territoire. En tout cas, si les réponses ne sont pas données à la population, Il y aura une sanction à un moment donné, que ce soit par leur vote…

Mais ce n’est pas cette vision de la société que nous partageons. Nous défendons une vision qui protège réellement, et la protection ne se fait pas n’importe comment. Or, ce qu’on observe en ce moment ressemble plutôt à une déconstruction.