Transfert des TASS et TCI : une réforme passée inaperçue mais pourtant pas indolore
La loi de modernisation de la justice du 21e siècle prévoit notamment comme simplification la disparition des tribunaux des affaires de sécurité sociale (TASS), des tribunaux du contentieux de l’incapacité (TCI) et des commissions départementales d’aide sociale (CDAS) au 1er janvier 2019.
Les contentieux des TASS et des TCI ont été transférés vers les tribunaux de grande instance (TGI) spécialement désignés, et devant les tribunaux administratifs (TA) pour une partie des contentieux portés devant les CDAS.
La réorganisation juridictionnelle du contentieux de la sécurité sociale et de l’aide sociale concerne :
1) Le contentieux général de la sécurité sociale, porté devant les TASS, c’est-à-dire les litiges relatifs :
- à l’affiliation dans un régime de base de la sécurité sociale,
- aux cotisations de sécurité sociale,
- aux prestations de sécurité sociale,
- aux actions fondées sur la violation de la législation en matière de sécurité sociale,
- aux accidents du travail.
2) Le contentieux technique de la sécurité sociale, porté devant les TCI, c’est-à-dire les litiges relatifs à l’état ou au degré d’invalidité ou d’incapacité au travail, à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie ordinaire ou professionnelle ainsi que les litiges relatifs au handicap (taux, carte d’invalidité…).
3) Les contentieux portés devant les CDAS ou la commission centrale d’aide sociale (CCAS), c’est-à-dire les litiges relatifs :
- à l’aide sociale : aide sociale aux personnes âgées, aide sociale aux personnes handicapées, aide sociale d’État, aide-ménagère, obligation alimentaire,…
- à la protection complémentaire santé : couverture maladie universelle complémentaire, aide médicale d’État,…
4) Les contentieux portés devant la Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail (CNITAAT), compétente en matière de tarification et d’appel contre les décisions des TCI.
Les TGI et TA sont devenus compétents
- vingt-huit cours d’appel –vingt-quatre en Métropole et quatre en Outre-mer – ainsi que cent-seize TGI ;
- le justiciable (assuré social, salarié, employeur) en première instance doit se rapprocher du TGI spécialement désigné en fonction de son lieu de domicile.
Par conséquent, les TASS, TCI et CDAS déjà saisis ne peuvent plus rendre de décision depuis le 31
décembre 2018. Leurs secrétariats respectifs ont obligatoirement informé les personnes concernées du
transfert de leur dossier vers les TGI ou TA.
Quelles juridictions compétentes pour quels contentieux ?
Recours préalable obligatoire
Depuis le 1er janvier 2019, toute contestation d’une décision en matière d’invalidité, d’inaptitude ou d’incapacité doit, avant saisine du juge, faire l’objet d’un recours préalable obligatoire. C’est une condition de recevabilité de la demande en justice. La décision prise par l’autorité compétente s’imposera à l’organisme de sécurité sociale. Le recours préalable n’est toutefois pas obligatoire en matière de contentieux de la tarification de l’assurance des accidents du travail. Devant les juridictions nouvellement compétentes, la représentation par un avocat n’est pas obligatoire.
Que deviennent les agents du ministère qui travaillent dans les services transférés ?
Bien que le ministère de la Santé ait régulièrement concerté avec les organisations syndicales représentatives et a montré une volonté d’obtenir des garanties pour ses agents auprès du ministère de la Justice, aucune information claire n’a été adressée à ses fonctionnaires sur les conditions et les garanties liées à ce transfert. La CFDT a constaté le mal-être grandissant de nombreux agents. Ceux-ci, en conséquence, ont demandé une affectation dans un service dépendant de notre ministère. Il semble que notre DRH, qui n’a pas répondu à cette demande, cherche à gagner du temps pour ne pas dégarnir les maigres effectifs des ex-TASS-TCI et ex-CNITAAT.
De plus, le reclassement dans les services territoriaux du ministère des Solidarités et de la Santé se cumule à une baisse des effectifs majorée par une réforme structurelle majeure, comme la disparition programmée en 2020 de la moitié de nos propres services déconcentrés… Fait aggravant, le ministère de la Justice n’a pas anticipé les difficultés en termes de manque de personnel et de formation. Aujourd’hui, des situations individuelles difficiles apparaissent ; les agents sont traités comme des pièces rapportées aux TGI, avec une forte dégradation de leurs conditions de travail. Pour celles et ceux qui feront le choix d’intégrer les corps du ministère de la Justice, une note du directeur des services judiciaires précise les dispositions prises pour les salariés de droit public et privé, mis à disposition, en demande d’intégration. L’exemple d’un collègue à qui l’on refuse la validation d’une promotion suite à un examen professionnel, sous prétexte qu’un reclassement comme directeur des greffes poserait problème, incite la CFDT à demander la mise en place d’une cellule d’urgence ayant les moyens de régler l’ensemble des difficultés de ces agents pour une justice digne d’agir au 21e siècle.