
Discutons ensemble des évolutions du ministère de la Justice
Déclaration liminaire CFDT au Comité social ministériel du 4 mars 2025
Monsieur le Ministre, absent,
Madame la Secrétaire générale,
L’actualité du ministère est vive et dense.
Nous tenons tout d’abord à assurer de notre soutien nos collègues réunionnais qui ont, à leur tour, connu la puissance dévastatrice d’un cyclone.
C’est avec effroi que nous avons découvert les ravages causés par le cyclone Garance. Les images de dévastation, de foyers détruits et d’infrastructures endommagées nous montrent la violence de l’évènement auquel les réunionnais ont dû faire face.
C’est dans ces conditions, Monsieur le ministre, que la CFDT assure nos collègues de son entier soutien.
Cet évènement climatique doit rappeler au ministère combien les spécificités ultra-marines sont à prendre en compte.
La CFDT dénonce l’indigence de la gestion immobilière dans ce ministère et en outre-mer spécifiquement. Il est temps que cela change et que le ministre prenne des engagements fermes pour des actions rapides. Vos prédécesseurs ont promis tellement sans jamais respecter la parole donnée, qu’il est temps que cela change et que vous ayez un discours de vérité sur les projets immobiliers.
A l’administration pénitentiaire
L’arrestation de Mohamed AMRA et de ses complices est une réussite mais elle rappelle la douleur encore vive des personnels. Nous soulignons d’ailleurs que le protocole d’Incarville doit être mis en œuvre et respecté dans sa globalité et dans les délais annoncés. Nous demandons l’accélération de sa mise en application dans certaines régions où les personnels n’ont pas encore reçu leur dotation en matériels de sécurité.
Les agressions verbales, physiques et les menaces à l’encontre des personnels et de leurs familles se multiplient de manière alarmante tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des structures. Nous assistons à une recrudescence de la violence en général.
Dans ce contexte déjà tendu, une série de mesures visant à renforcer la sécurité dans les prisons françaises a été annoncée avec :
La création d’un établissement « haute sécurité »
La CFDT y est favorable mais s’interroge sur ses conditions de mise en œuvre et son calendrier.
Ce projet peut permettre l’éloignement nécessaire de certains détenus et ainsi contribuer à l’apaisement d’autres établissements où il sera plus aisé d’entreprendre un travail de réinsertion. Cette mesure nécessite toutefois des discussions, par exemple sur le fait de mélanger des prévenus et des condamnés.
La suppression des activités ludiques en détention
Cette annonce a suscité de nombreuses réactions et semblait d’avantage dirigée vers l’opinion publique que vers les professionnels. Le sujet mérite réflexion et d’être traité avec discernement, en lien avec les personnels qui sont au contact direct des détenus et qui pourraient subir les conséquences d’arbitrages hors sol.
Le travail, la formation et l’enseignement scolaire doivent être prioritaires pour aboutir à un véritable effet de réinsertion. Et dans ce cadre, certaines activités isolées pouvant être considérées comme « ludiques » par certains peuvent permettre de maintenir du lien social et ainsi participer à la réinsertion.
La CFDT rappelle qu’elle mettra cependant toujours la sécurité des personnels en haut de la liste des priorités et ce en toutes circonstances.
La création d’une direction générale de l’administration pénitentiaire
Là encore il est nécessaire d’en échanger sereinement pour évaluer les avantages attendus pour l’administration pénitentiaire, les personnels et le système carcéral. Car derrière un nom ronflant, il y a une multitude de questions de fonctionnement à se poser et une réalité, que nul ne peut nier qui percute toutes nos actions et projets : la surpopulation carcérale.
A la protection judiciaire de la jeunesse
Monsieur le ministre, lors de notre premier échange en janvier dernier nous vous avions sensibilisé à la situation de crise traversée par la PJJ à la suite du plan social subi par nos collègues contractuels à la rentrée 2024, qui est venu exacerber les difficultés de fonctionnement déjà nombreuses au sein des services de la PJJ.
La CFDT avait tenu à vous interpeller sur le fait que dans ce contexte déjà fragile, la question de la prise en charge des mineurs ne pouvait être résolue de manière précipitée. A cet égard, la CFDT vous a réaffirmé son opposition résolue aux projets visant à assimiler la Justice des mineurs à celle des majeurs, qui négligeraient le temps éducatif au bénéfice d’un dogme répressif démagogique qui a déjà fait la preuve de son inefficacité.
Sur l’ensemble des sujets abordés vous vous étiez alors montré à l’écoute, affichant une volonté de concerter sur ces sujets, et de donner aux agents les moyens de remplir leurs missions.
Mais au premier fait divers impliquant un mineur, vous avez dénoncé une prétendue « culture de l’excuse ». Vous avez repris à votre compte la proposition de loi inacceptable visant à instaurer la comparution immédiate pour les adolescents de 16 ans et l’inversion du principe de l’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs. Vous vous êtes même déclaré en faveur d’un durcissement de ce texte déjà purement répressif, qui remet en cause les principes fondamentaux de la justice des mineurs.
Il est préoccupant de constater la récurrence de ce discours politique basé sur une supposée radicalisation et une augmentation de la délinquance juvénile, qui pourtant va à l’encontre des données statistiques officielles de notre ministère. Nous sommes témoins d’une sorte d’irrationalité qui n’a aucun lien avec la réalité statistique et sociologique.
La CFDT préférerait que vous osiez dire que notre institution pourrait opter pour une autre voie, celle de l’accompagnement, de l’éducation et du temps. Car seul ce travail sur le temps long peut permettre à notre jeunesse la plus en difficulté de trouver sa place dans la société et d’en accepter ses règles.
La CFDT préférerait vous entendre défendre la nécessité de nous doter des moyens nécessaires à l’application des dispositifs existants.
Aux services judiciaires
Monsieur le Ministre, pendant ce temps aux services judiciaires, les agents se débattent dans des conditions de travail rendues difficiles par le manque d’anticipation de l’administration : réformes non abouties comme le transfert des saisies-rémunération, passage à Windows 11 qui ne prend pas en charge nos logiciels les plus anciens, l’ouverture anarchique des flux PPN sans lien avec les capacités des services de nos tribunaux ni les services enquêteurs, etc.
Et dans ce contexte, faute d’avoir eu une volonté politique réelle d’aller au bout des négociations, cette direction peine à capitaliser sur la réforme des greffes pourtant historique.
Cette réforme dans sa globalité est pourtant indispensable et très attendue, elle doit permettre la reconnaissance des parcours, de l’expertise et un meilleur fonctionnement de nos juridictions.
Concernant la 1ère phase de cette réforme, la CFDT félicite les collègues adjoints administratifs et greffiers promus, l’engouement a été à la hauteur du caractère historique des avancées obtenues par la négociation.
L’engouement doit néanmoins être tempéré par plusieurs points noirs :
- L’incompréhension des adjoints et greffiers non promus en raison de l’absence de diffusion par la DSJ de critères clairs et objectifs de sélection.
- L’inquiétude pour les collègues retenus quant à la réalité de leurs nouvelles fonctions.
- L’abandon des juridictions par la DSJ, les laissant livrées à elles-mêmes face aux changements internes qu’impliquent cette réforme.
Et surtout, cette réforme est mise à mal par l’absence de courage politique sur deux points :
- L’absence complète de reconnaissance pour les adjoints administratifs alors que des discussions doivent s’ouvrir sur leurs groupes IFSE à la suite du plan de requalification. Toujours aucune date pour ces discussions !
- L’absence totale de reconnaissance statutaire, fonctionnelle et financière du corps des directeurs des services de greffe (DSGJ). Alors même qu’ils sont pourtant des piliers essentiels de nos juridictions.
Cette absence met en péril la communauté de travail au sein des services judiciaires et l’équilibre de la réforme des greffes.
Pour la CFDT, les DSGJ constituent un véritable corps de direction chargé de l’animation, de la conception et de l’organisation et méritent enfin une pleine reconnaissance.
Les négociations qui se sont ouvertes le 11 février continuent ce jeudi 6 mars, la CFDT veillera à ce que la DSJ ait radicalement revu sa copie tant le niveau des 1ères propositions était incompréhensible.
Proposer si peu pour un corps qui n’a connu aucune revalorisation statutaire depuis plus de 20 ans était clairement inadmissible.
Le corps des DSGJ a toujours été loyal envers son ministère, la CFDT exige que le ministère soit loyal envers ce corps de direction avec des propositions à la hauteur de leur engagement et de ces 20 années d’attente.
Au Secrétariat général
Monsieur le Ministre, à votre demande et à celle de vos prédécesseurs, le secrétariat général est en charge de nombreux dossiers notamment :
- la création de la filière technique ministérielle (C, B et A), le projet est-il toujours bloqué au guichet unique de la fonction publique ?
Quelles sont vos actions concrètes pour qu’enfin les agents techniques obtiennent la reconnaissance à laquelle ils ont droit en 2025 ?
- la revalorisation des personnels administratifs.
En l’état une seule réunion bien décevante pour la CFDT.
Monsieur le ministre, nous demandons à ce que cette revalorisation se traduise dès 2025 avec des engagements clairs, définis et écrits.
- La protection sociale complémentaire (PSC), qui permettra en septembre d’avoir une prise en charge à 50% d’un panier de soins pour sa couverture santé obligatoire.
Mais pendant ce temps à la fonction publique, ce gouvernement réduit de 10% la prise en charge des arrêts maladie. Quelle cohérence dans l’action politique ? Est-ce comme cela que la fonction publique compte créer de l’attractivité ?
- La négociation d’un accord QVCT (qualité de vie et conditions de travail), tant voulu par votre prédécesseur mais dont nous commençons sérieusement à douter de la sincérité et de la portée tant les gages donnés par l’administration en la matière plaident pour une absence de prise en compte réelle de la QVCT par l’administration.
Monsieur le ministre lors du précédent CSA ministériel, la CFDT vous souhaitait la bienvenue. Aujourd’hui il est temps de faire un point sur ce qui a été fait.
Car si notre vénérable institution a parfois besoin d’être bousculée pour évoluer, la méthode est importante pour que cela permette d’avancer.
La CFDT vous l’a dit, nous sommes prêts aux changements mais il y a un principe de base en conduite du changement : associer les personnels et leurs représentants, échanger, expliquer.
Or, faute de carte de presse, les représentants des personnels vous ont trop peu vu alors que vos annonces ont été nombreuses depuis votre prise de fonctions.
Alors en conclusion, les représentants CFDT vous l’affirment, nous devons discuter ensemble des évolutions de ce ministère pour qu’elles bénéficient aux personnels et à nos concitoyens.
Les représentants CFDT seront présents et n’oublieront aucun agent.
Les représentants CFDT :
Guillaume Grassaud
Ghislain Bonthoux
Déclaration liminaire CFDT au Comité social ministériel du 4 mars 2025