La CFDT reçue par le nouveau garde des Sceaux

Principales annonces du ministre de la Justice et interventions de la CFDT, accompagnées des réponses apportées, lors de cette rencontre du 16 janvier 2025.

Le 16 janvier 2025, une délégation de la CFDT a rencontré le garde des Sceaux pour aborder plusieurs dossiers prioritaires pour les agents du ministère de la Justice.

Principales annonces générales du ministre

Dans le contexte général, le garde des Sceaux a reconnu les difficultés structurelles du ministère.

Evoquant le budget, le ministre indique son combat pour obtenir les mêmes garanties budgétaires que son prédécesseur, avec pour objectif de garantir la création de 1 600 emplois en 2024, et autant en 2027, tout en évoquant les besoins de postes administratifs et de postes à la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Il a souligné la nécessité d’une meilleure crédibilité budgétaire pour éviter les dépassements de plafonds et les crédits non dépensés.

En termes de méthode, le ministre annonce qu’il organisera plusieurs bilatérales sur les différents thèmes pour avancer sur les dossiers et a assuré que toutes les organisations syndicales auront leur moment de discussion.

Exprimant son intérêt pour les contributions de la CFDT, le ministre a salué la présence constante de la CFDT dans les discussions sociales et affirmé sa volonté de renforcer les relations sociales avec l’appui de son cabinet.

Sujets ministériels et d’administration centrale

La CFDT fait état d’un agenda social lourd mais c’est la contrepartie de sa richesse, et elle continuera de participer activement aux différentes discussions.

Création de la filière technique

Pour la CFDT, la filière technique doit offrir des perspectives de carrière aux adjoints techniques. La CFDT souhaite une conclusion rapide pour la création de la filière. En effet, la CFDT rappelle que le schéma global est bien avancé et il reste à définir la projection par direction de la répartition des emplois.

Réponse du ministre de la Justice

Un travail important a été réalisé dans le cadre du dialogue social et que le ministère partage notre volonté de le faire aboutir en 2025. La création de cette filière a été bloquée l’été dernier suite aux évènements politiques.

Développement du numérique

La CFDT fait part de son attente de mettre à plat la diversité des projets numériques du ministère de la Justice dont le développement apparaît comme anarchique.

La CFDT souligne l’importance de faire un point dans chaque direction sur le nombre de logiciels déployés et leur intérêt réel pour que la justice soit efficiente.

Le numérique est particulièrement consommateur de crédits budgétaires, et la CFDT affirme que dans le contexte actuel, le ministère doit être exemplaire dans la conduite de ses projets. Un état des lieux est nécessaire car on constate que certains projets anciens mais utiles n’avancent plus alors que l’on en lance de nouveaux.

Deux projets numériques très anciens sont au point mort : la dotation d’un logiciel pour les assistantes sociales et un autre pour les médecins du travail. Ce manque de priorisation pèse sur le suivi de santé et le suivi social des agents. La CFDT souligne leur importance et demande qu’ils aboutissent rapidement.

Réponse du ministre de la Justice

Le secrétariat général a demandé à la direction du numérique de faire aboutir ces projets rapidement.

Développement du programme « procédure pénale numérique » ou PPN

La CFDT souhaite qu’un point particulier soit fait sur le développement des PPN face aux difficultés de déploiement tant côté police que côté justice.

Pour la CFDT, il y a un manque de concertation interne réelle entre les services de police et ceux du ministère de la justice, mais également au sein de différents échelons du ministère.

Réponse du ministre de la Justice

Le ministre assure la volonté d’avancer collectivement, et indique que cette discussion est effectivement importante.

Point sur l’immobilier

De nombreux chantiers sont ouverts et de très nombreux projets d’ouvertures d’établissements pénitentiaires et de restructurations et de constructions de sites judiciaires sont en attente. La CFDT souhaite connaitre les arbitrages. Le sujet est à la fois métropolitain et ultramarin et très sensible.

Réponse du ministre de la Justice

Le ministre indique le besoin de prioriser les projets à travailler car tous n’étaient pas budgétés. Dans ce sujet, il y a l’outre-mer particulièrement, vu l’état de délabrement des établissements pénitentiaires, et des conditions indignes pour le personnel. Les territoires ont été touchés par les calamités et les coûts démultipliés en ultramarin ne sont pas un sujet, c’est prioritaire.

Valorisation des personnels administratifs du ministère

La CFDT considère que le début de revalorisation des personnels administratifs obtenue entre septembre et décembre 2024 est insuffisant.

La CFDT demande de nouvelles discussions pour reconnaître le travail de nos collègues.

Réponse du ministre de la Justice

le ministre affirme être pleinement convaincu de l’importance des personnels administratifs. Il souhaite les soutenir, en portant des demandes salariales en interministériel. Il indique également qu’il souhaite que le ministère puisse discuter de revalorisations de l’indemnité de fonctions, de sujétions et d’expertise (IFSE) des corps communs du ministère.

Valorisation des métiers de la filière médico-sociale

Dans la sphère des corps communs, les agents de la filière médico-sociale ont tout simplement été oubliés par leur administration, notamment les assistantes sociales et les conseillers techniques de service social (CTSS).

La CFDT a écrit à la Secrétaire générale du ministère pour demander des discussions sur leurs revalorisations sans réponse à ce jour.

Réponse du ministre de la Justice

Le ministre indique connaître le rôle essentiel de ces agents et qu’il leur accordera une attention particulière.

-> La CFDT reste vigilante sur les moyens des services supports et de l’administration centrale au sens large : lors des arbitrages budgétaires, la CFDT demande que les services supports en administration centrale et en région ne soient pas sacrifiés. Leur budget et leurs moyens doivent être à la hauteur des missions qui leur sont confiées.

Les services judiciaires

La requalification de 700 adjoints faisant fonction en greffiers et la création du corps de cadre greffier sont encourageantes, car issues d’un dialogue social nourri, mais la CFDT dénonce deux rendez-vous manqués : les personnels administratifs et les directeurs des services de greffe judiciaires.

Valorisation des personnels administratifs dans les services judiciaires

La CFDT a entendu les propos du ministre de la Justice visant à la valorisation des personnels administratifs, notamment par le moyen de l’IFSE.

La CFDT est prête pour ce rendez-vous car le protocole d’accord actait une discussion sur l’IFSE des agents exerçant aux services judiciaires. Ces discussions ont trop tardé à s’ouvrir, or le rôle de ces agents est essentiel.

Reconnaissance du corps des directeurs des services de greffe

La reconnaissance statutaire et fonctionnelle du corps des directeurs des services de greffe (DSGJ) est cruciale cet incontournable pour la CFDT.

Les DSGJ sont des piliers essentiels des juridictions, au-delà de simples rôles d’encadrement. Ils sont un véritable corps de direction chargé de l’animation, de la conception et de l’organisation et méritent enfin une pleine reconnaissance.

Un corps au cœur des juridictions et de leur organisation

Les directeurs des services de greffe jouent un rôle central en assurant la jonction entre tous les acteurs des juridictions : magistrats, greffiers, personnels administratifs et techniques. Leur contribution est indispensable pour une justice fluide et cohérente.

Pourtant, les DSGJ restent les grands oubliés des réformes en cours. Alors que des avancées ont été négociées pour les magistrats, les greffiers et les adjoints administratifs faisant fonction, le corps des directeurs de catégorie A a été laissé de côté. Les moyens injectés dans les juridictions risquent de ne pas produire leurs effets sans une réelle réflexion sur l’organisation, or l’organisation, c’est le rôle des DSGJ.

Les attentes des citoyens sont grandes. Une justice rapide, juste et accessible repose sur des juridictions bien organisées. Cela passe par une reconnaissance pleine et entière du rôle des directeurs des services de greffe, de leur expertise et leur engagement.

Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ)

La CFDT a rappelé au garde des Sceaux, la crise traversée à la rentrée 2024, suite au plan social touchant les contractuels, qui a exacerba les difficultés de fonctionnement dans de nombreux services. Si le précédent cabinet avait engagé la direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ) à concerter un plan d’action avant la fin 2024, celui-ci demeure toujours un projet loin d’être abouti et effectif.

Pour la CFDT, il est essentiel de sensibiliser le garde des Sceaux sur l’alourdissement des charges de travail à la PJJ, car cela réduit le temps éducatif auprès des jeunes suivis, temps qui devrait pourtant être la priorité. Ce phénomène, qui est venu renforcer une perte du sens métier par une déperdition de l’accompagnement éducatif et de sa reconnaissance, a par ailleurs conduit à une attractivité en berne.

La CFDT tenait enfin à souligner que la question de la prise en charge des mineurs ne peut être résolue de manière précipitée.

La CFDT a réaffirmé son opposition résolue aux annonces visant à assimiler la Justice des mineurs à celle des majeurs, à travers des dispositions négligeant le temps éducatif comme la procédure de comparution immédiate et la remise en cause du principe d’atténuation de la responsabilité pénale.

La question budgétaire a également traversé tout le débat, car les carences en la matière se traduisent directement sur le terrain, que ce soit pour l’emploi ou pour le déploiement d’objectifs comme le renforcement de l’insertion, pour lesquels la PJJ n’a pas les moyens d’atteindre les ambitions affichées.

Réponse du ministre de la Justice

Sur l’ensemble des sujets abordés, le nouveau ministre s’est montré à l’écoute, affichant une volonté de concertation et de donner aux agents les moyens de remplir leurs missions.

-> La CFDT restera attentive à la traduction de ces engagements.

Pénitentiaire

Les syndicats CFDT couvrant ce champ ont indiqué au ministre qu’ils partageaient pleinement l’intérêt porté par celui-ci à la lutte contre le narcotrafic tout en questionnant le choix de spécialiser un établissement pour les 100 narcotrafiquants.

Si l’enjeu de sécurité est également compris et soutenu, tant pour les agents pénitentiaires que pour la population, dans un souci de sécurité publique au sens large, la réalité des détentions et des services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP), confrontée à la surpopulation carcérale et pénale, rend difficile l’application de cette mesure.

La CFDT a indiqué au ministre qu’elle est également particulièrement attentive à l’exécution des peines, en particulier aux délais d’exécution qui obèrent parfois le sens même de la peines. Exemple : des travaux d’intérêt général (TIG) non exécutés dans les délais et convertis en détention à domicile sous surveillance électronique (DDSE), mesure de contrôle dont les chiffres explosent.

La communication entre magistrats, administration pénitentiaire et services de renseignement, le service national du renseignement pénitentiaire (SNRP) y compris, est aussi un point sensible et central pour le suivi et la garde des profils sensibles. Dans ce domaine, les narcotrafiquants s’ajoutent aux profils déjà connus comme les terroristes islamistes.

La CFDT a pu faire part à la fois de son avis sur cette thématique mais aussi des besoins réels qui doivent permettre l’action attendue par la population, tant pour le repérage des individus liés à la criminalité organisée que de la mise en œuvre d’action pour les empêcher de poursuivre leur activité en détention.

La CFDT a rappelé que la surpopulation carcérale et les moyens humains contraints constituent un frein à la réalisation des objectifs de l’administration pénitentiaire et, en premier lieu, à la prévention de la récidive.

S’agissant de la création d’un établissement ayant vocation à accueillir les détenus haut de spectre de la criminalité organisée, « objet politique » pour reprendre les termes du ministre, la CFDT a émis des doutes sur l’efficacité d’un tel regroupement qui pourrait reconstituer leurs réseaux ou, à l’opposé, les voir déchainer leur violence entre clans souvent en guerre en dehors des prisons.

La CFDT considère toutefois que l’idée de départ est louable et doit être poursuivie avec détermination par le biais de la création au sein des établissements existants de petits quartiers maison centrale (QMC), répartis sur le territoire, solution qui aurait le double avantage de permettre une décision d’affectation unique, dans un régime de droit commun présentant des garanties de sécurité, et ne nécessitant aucune évolution législative ou réglementaire.

La CFDT a souligné le rôle des SPIP dans l’accompagnement des plus accessibles à la réinsertion et à la désistance, à travers des programmes de prise en charge.

La CDFDT a fait savoir au ministre qu’elle restait disponible pour construire ces prises en charge, aussi bien sur le volet sécuritaire que sur celui de l’accompagnement.

En conclusion

La CFDT a rappelé que le fonctionnement du ministère de la Justice nécessite une approche globale et décloisonnée, tenant compte des besoins transversaux des agents.

La CFDT reste et restera vigilante quant aux résultats des engagements pris par le nouveau garde des Sceaux lors de cette rencontre.

Pour l’ensemble des sujets, l’épée de Damoclès des coupes budgétaires reste vive.

-> La CFDT est pleinement mobilisée pour que toutes les discussions puissent aboutir rapidement.

Tract CFDT Justice bilatérale du 16 janvier 2025

Crédits photo : entrée du ministère de la Justice – wikimedia commons : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Place_Vend%C3%B4me_-_minist%C3%A8re_de_la_Justice,_h%C3%B4tel_de_Bourvallais_(Paris)_(2).jpg

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